mardi 7 janvier 2020

91 - Vénus aux trois fromages

Je commandai des spaghettis aux trois fromages. 

Lorsque le serveur déposa le mets fumant sur ma table, les jaunes et longs vermicelles m'évoquèrent aussitôt la chevelure dorée, cascadante et enflammée de Farrah Fawcett.

Et là, au centre du plat de pâtes son clair visage émergea.

Sa face soudaine, auréolée de cette gerbe de nouilles luisantes de lipides, était un enchantement alimentaire mais surtout un émoi esthétique inédit aux parfums culinaires de joyeux gruyère mêlé de parmesan rance et de gorgonzola capiteux.

Je demeurai figé devant mon assiette, subjugué par les traits de la Vénus apparue à mon repas, comme une communion sacrée et mystérieuse entre le ciel des oiseaux rares et la terre des gastronomes inspirés.

Je ne quittai pas l'apparition du regard.

Conscient du trésor que représentait cette image radieuse, je décidai de me nourrir de la lumière émanant de la "manne".

Le festin devenait purement spirituel et non plus strictement stomacal. Le poétique prenait le pas sur le gustatif.

Me réjouissant de ce banquet incorporel, je fis bombance de beauté.

Et je me délectai d'éther, d'azur, de clarté.

A la fin de ma contemplation les féculents garnis de gras furent froid.

Je quittai le restaurant sans avoir touché à ma commande.

Je payai, offris même un généreux pourboire, repus de pureté, de gloire et d'idéal.

Et fus pris pour un cornichon.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire