lundi 27 janvier 2020

95 - Une lumière dans la ville

Les trottoirs étaient tristes sous le soleil d’été. Mon pas se faisait lourd au bord des jardins désertés.

La cité figée dans une léthargie de fin de repas lui donnait des airs de nécropole sans goût. Parfois j’entendais de vagues bruits de vaisselle au loin, des voix du quotidien, des bribes de conversations sourdes... L’habituel et insignifiant pépiement humain des jours qui se ressemblent tous.

La ville endormie respirait l’ennui, la morosité, l’inertie.

Avec une intensité accrue, je ressentais cette saveur de l’ordinaire, fade et rassurante. Ce parfum prosaïque des réalités familières... Un air légèrement déprimant, subtilement anesthésique...

Le plomb de la platitude qui rend immortels les souvenirs les plus banals.

Bref, un dimanche de silence et d’agonie. Comme un deuil sous le soleil. Une ambiance mortelle de sous-préfecture en plein mois de juillet.

Et je déambulais, plein de mélancolie, dans ce monde morne.

Un univers terne, pétrifié par les habitudes, plongé dans l’eau dormante des normes provinciales, figé dans la glu des certitudes dupontesques.

Au fil de mes pensées grises dans ces rues éteintes, mon spleen au lieu de sombrer dans le néant, l’obscurité, la stérilité se transformait en une volonté lumineuse d’envol céleste ! Afin d’y éprouver des vertiges glorieux, sentir des flammes sacrées, côtoyer quelque sublime oiseau...

Assoiffé de bourrasques d’automne, de tonnerre intérieur et de grêle hivernale contre ma face de loup, je n’étais plus qu’un bloc de rage contre un océan de médiocrité.

Et je filais à vive allure dans ces artères vides, furieux, impatient, en quête de miracle, résolu à terrasser l’immense torpeur de cette fatale journée et à affronter l’indicible !

Mais je ne croisai rien de phénoménal dans ma marche vengeresse. Nulle surprise fantastique au-dessus de ma tête enivrée de rêves. Rien d’éclatant sur mon chemin de désolation.

Et puis soudain tout s’illumina dans mon âme.

Le feu désiré était en moi.

Et non au sommet d’une montagne, non dans les brumes de l’horizon, non au bout de la Terre...

Les profondeurs de mon être s’éclairaient et je posai un regard neuf sur les choses. Le spectacle de cette routine, de cette pesanteur qui m’entouraient ne m’affligeait plus.

Une image en filigrane embellissait la cité. Tout s’allégeait. Tout était joie.

Cette étoile, cette lumière, cette beauté logée dans l’invisible se nommait Farrah Fawcett.

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