Parfois mes pensées, à la fois lucides et morbides, m'emmènent jusque dans
les gouffres de la réalité la plus crue.
Ne voulant surtout pas occulter les aspects certes dérangeants mais
réalistes des choses de ce monde, j'accepte de voir l'immonde,
l'inconcevable, l'horreur.
Ainsi je décide de regarder le Soleil en face, c'est-à-dire le vrai visage
de la mort, au sens propre du terme.
J'ose le vertige anti-esthétique.
J'imagine les traits de Farrah Fawcett sous l'ombre fatale, soumis aux lois
du recyclage, se corrompant, s'anéantissant progressivement dans le secret de la
tombe.
Alors, avec courage et audace, j'essaie de me figurer l'ignoble grimace
résultant du processus de la décomposition des chairs. Avec la froide
objectivité, le glacial détachement de l'oeil strictement scientifique, mon
esprit me montre les hurlements et cauchemars de la putréfaction s'exerçant sur
cette incarnation de la pure beauté.
Mais bien vite, et c'est un grand mystère que je ne puis expliquer, que je
constate simplement, ma perception des distorsions naturelles issues de la
pourriture du corps de cette femme change de manière extraordinaire !
Depuis les vues profondes -ou légères- de mon âme, les lambeaux de matière
organique se réorganisent alors dans un nouveau tourbillon moléculaire pour
former d'autres images, faire naître un portrait sépulcral différent.
Les particules désagrégées composant le bouillon macabre s'engagent dans un
mécanisme de transformation des éléments encore plus affolant que celui
attendu...
Sa physionomie liquéfiée par la destruction terrestre prend soudain des
allures célestes.
Ses cheveux enroulés autour de son crâne commencent à étinceler. Sa tête
devient une sorte de tournesol sidéral. Et lentement les substances éparses
vouées à la ruine se mettent à tourner, l'ordure et le chaos se métamorphosant
en une harmonieuse expression...
Et tout refleurit, tout brille, tout est lumière.
Au lieu de l'atroce déchirure de ses yeux, de ses joues, de sa bouche, au
lieu de l'affreux rictus d'un cadavre, de l'horrible sourire d'une charogne,
m'apparaît une splendide vision.
A la place d'un épouvantable amas désintégré de pestilence, je vois les
spirales d'une galaxie.