mardi 4 février 2014

6 - L'interview profonde

Interview de Raphaël Zacharie de IZARRA par Noëlle Simono du journal “Le Monde” (édition du mercredi 12 octobre 2011)

Raphaël Zacharie de IZARRA, allez-vous enfin éclaircir le mystère embaumant votre personnage si fameux ? Les journalistes se perdent en conjectures à votre sujet. Vous répondez scrupuleusement à chacune de leurs questions et pourtant nul ne parvient à vous cerner tant vos réponses prêtent à maintes interprétations, toutes contradictoires... Personne n’arrive à vous situer exactement. A droite ? A gauche ? Sur la Lune ? Ici ? Là-bas ? Nulle part ? Quand allez-vous cesser de nous faire tourner autour de votre nombril, de votre particule, de votre Farrah Fawcett, de vos chères “vérités féroces” comme vous dites vous-même sur votre excellent blog IZARRALUNE ?

Je suis très clair pourtant avec les reporters. Ce n’est pas de ma faute si ce siècle est aux demi-vérités, aux molles paroles, aux tièdes mythes. Voilà, je suis le défenseur de la veuve et de l’orphelin, même si personnellement je n’ai pas de particulière sympathie ou indulgence envers les indigents et les pupilles. Je suis également le défenseur des belles gens fortunés contre leurs ignobles bourreaux -je veux parler des pauvres ou prétendus tels- car fort souvent la veuve et l’orphelin se muent en loups. L’iniquité, la bassesse, l’injustice peuvent aussi habiter chez la veuve et l’orphelin (de génération en génération comme un système atavique ou bien  passagèrement) et je ne vois pas en quoi la veuve et l’orphelin seraient moins condamnables que les porteurs de gants blancs.

Politiquement cela me place autant à droite qu'à gauche, hors des extrêmes. Mais la politique ne m’intéresse guère. L’image publique que je renvoie à mes lecteurs ne me préoccupe pas. Mais s’il fallait me situer sur ce plan alors je dirai que je suis autant de droite et de gauche car je prends ce que j’estime être le meilleur dans chaque parti et laisse de côté ce qui me semble plus indigne. En général ce qui représente le meilleur dans chaque parti, ce sont les valeurs partagées par les uns et les autres. Pas toujours mais presque. C’est aussi simple que cela pour ne pas dire simpliste, et cela a peu d’intérêt du reste.

Je ne comprends pas que l’on puisse à ce point être curieux à propos à mes postions politiques. Ma plume est beaucoup plus passionnante à étudier que mes opinions de citoyen, savez-vous.

Il est certain Raphaël Zacharie de IZARRA que votre art littéraire est admirable. C’est même la raison essentielle de votre omniprésence sur la planète LITTÉRATURE. Alors parlons lettres : vous régnez incontestablement sur le web des lettrés mais vous êtes également très controversé. Les uns contestent la légitimité de votre statut de “souverain de l’écrit”, d’autres crient à la supercherie, persuadés d’avoir affaire à un comédien et non à un être sincère...

Ma particule parle pour moi. Je n‘ai rien à ajouter, rien à gagner, rien à perdre et n'ai pas à tenter de prouver quoi que ce soit à ce sujet. Ma particule est la plus éloquente des défenses, point.

Votre particule toujours et encore... Etes-vous sérieux Raphaël Zacharie de IZARRA ? (Sans se démonter –et là je le soupçonne d’avoir prévu son coup- il me sort comme par magie sa carte d’identité avec son nom, son prénom, sa particule...)

Cela vous suffit-il ?

Ce n’est pas ce genre de “preuve” que j’attendais Raphaël Zacharie de IZARRA...

Peut-être mais c’est celle que je vous présente, vous vous en contenterez.

Où puisez-vous votre intarissable inspiration ? Dans les livres, au cinéma, dans la rue ?

Soyons clairs, définitivement : je suis réellement inculte, ou quasiment. Je ne m’abreuve nullement de livres, je n’ai pas un goût prononcé pour la lecture en règle générale. Je ne cesse de le marteler ailleurs dans la presse : la littérature des autres ne m’intéresse pas. Ou si peu. De ma vie je n’ai presque rien lu. Des classiques j’ignore tout, à quelques rares exceptions près. Je ne m’intéresse pas à la littérature. Enfin pour être précis, à celle des autres. La littérature pour moi c’est comme les rêves : seuls les miens sont dignes d’être racontés. Ceux des autres sont sans le moindre intérêt. C’est ainsi que je fonctionne. Je passe beaucoup plus de temps à écrire qu’à lire.

Fondamentalement je suis un auteur, non un lecteur. Même si cela peut paraître incohérent voire prétentieux dans la mesure où l’on prétend que pour écrire il faut d’abord avoir beaucoup lu... Ce n’est pas vrai en ce qui me concerne. C’est ainsi, j’écris sans avoir lu. Certains trouveront peut-être cela mystérieux, pas moi. Entre écrire et lire, il n’y a aucune complémentarité à mes yeux, la première activité étant possible sans la seconde. Disons que la voiture incarne le lecteur et la route l’auteur, hé bien nul besoin d’avoir un permis de conduire pour se construire sa propre route. On peut fort bien créer une voie sans jamais prendre le volant de sa vie puisque le processus créatif de l’écriture n’a, du moins pour moi, aucun lien avec la démarche nettement plus passive que constitue la lecture. La différence entre la plume et le livre est aussi grande qu’entre la route et l’automobile.

La littérature n’est pas spécifiquement le fruit de ces deux activités mais le “simple” fait de se hisser au sommet du verbe, de la pensée, de la spiritualité, de la poésie, de l’art et de l’imaginaire avec les seules ailes de l’alphabet, et peu importent les conditions de cette ascension : avec ou sans lecture.
L’essentiel est d’atteindre le but.

Pour moi, c’est donc sans l’expérience de la conduite.
Aussi cheminé-je dans l’univers des mots sans permis de conduire, c’est à dire sans aucun bagage livresque, traçant ma propre route (que d’autres empruntent). Mes pieds suffisent pour avancer. Evidemment cette créativité spontanée n’est pas à la portée de tous.

Bien sûr n’importe qui est capable d’écrire sans avoir lu et même en ayant lu : on peut trouver à la tonne des exemples de littérature dupontesque chez la “Pensée Universelle”. Tout dépend de la définition que l’on donne au terme “littérature”...

Disons que j’ai les moyens de me passer des modèles. Moyens surnaturels si l’on peut dire. D’un point de vue extérieur car pour moi la chose va de soi.

On peut faire de la très mauvaise soupe avec de riches et abondants légumes et un potage excellent avec de l’eau, des cailloux et de la magie dans les doigts.

Et quels sont ces moyens qui vous démarquent si glorieusement des autres auteurs Raphaël Zacharie de IZARRA ?

C’est à la fois tout bête et inexprimable : je dors avec les muses

Ca nous le savions déjà. Mais encore ?

Hé bien lorsque je me réveille, voyez-vous, mon âme est légère, mon coeur vif, ma tête pleine d’étoiles, de lueurs nouvelles, de visions fulgurantes et de monstres magnifiques : l’alchimie littéraire s’est opérée au cours des songes.
L’oeuvre des muses.

Vos muses, ne seraient-ce pas ces illustres mortes qui semblent hanter vos pensées d’étrange esthète, dites-moi Raphaël Zacharie de IZARRA ?

Absolument pas. Quand j’évoque les muses, je parle réellement des muses communes aux gens de lettres, celles de la mythologie grecque. Je suis au premier degré ici.

Vous vous moquez encore du monde Raphaël Zacharie de IZARRA... D’où vous vient cette manie insupportable de toujours tout vouloir tourner en dérision, vous y compris ?

Non non non, je vous parle le plus sérieusement du monde. Je commerce réellement avec les muses de l’antiquité grecque. Ne me demandez pas de vous expliquer la chose, c’est ainsi. C’est un mystère. Ou un miracle comme vous voudrez. Vous savez la vie est faite de toute façon d’une succession de miracles. Et il n’y a pas de petit ou de grand prodige dans la Création : l’aile de la mouche, une poussière, une poire sont aussi extraordinaires qu’un astre, qu’une galaxie, qu’une casserole. Tous sont des amas d’atomes divinement organisés. Ou génialement façonnés par l’homme, je parle de la casserole. D’ailleurs si vous m’aviez interviewé en Grèce il y a deux mille ans vous n’auriez pas mis en doute mes dires et tout cela vous semblerait parfaitement banal n’est-ce pas ?

En effet. Dois-je pour autant croire que c’est là votre réponse définitive et que vos lecteurs devront s’en satisfaire ?

Certes.

Vos détracteurs repoussent sans nuance tout ce qui émane de vous mais les femmes vous font des avances, quel effet cela vous fait-il Raphaël Zacharie de IZARRA ?

Cela me fait un plein effet.

Et si je vous lançais un défi ?

Lequel ?

Voilà, ayant préparé cette interview depuis plusieurs jours j’avais d’autres questions pertinentes en réserve. Mais puisque visiblement vous semblez prendre tout cela à la légère, j’ai décidé d’adopter cette même désinvolture avec laquelle vous me traitez : ce sera ma dernière intervention si vous continuez à me répondre en vous moquant de moi et de votre lectorat. Donc, et c’est ma question, allez-vous oui ou non donner une allure plus scrupuleuse à cette interview monsieur Izarra ?

C’est bien le drame de ces interviews... On m’interroge, je réponds et nul ne m’écoute. Je dis des choses que je crois graves, vraies et belles et on préfère en rire. Ce n’est pas moi qui me moque du monde madame, c’est le monde qui se moque de Raphaël Zacharie de IZARRA.

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